Le journal d'une mandragore

Je ne suis pas de celles que tu remarquerais dans la foule. Je ne suis pas une de ces filles que tu trouverais mignonne. Je ne suis pas une de ces fortes à bras aux cheveux courts qui croient que pour être lesbienne il faut ressembler à un homme. (...)

Je suis une mandragore, je sors de terre, je suis magique et légendaire.

La mémoire orpheline de l'étreinte

Je n'étais rien et je pensais à ses mains. Tentant de me rappeler les lignes, les courbes, les articulations, les veines, les poils. Étaient-elles fines et délicates ? Ou maigres et décharnées ? Et les plis de sa paume ne ressemblaient-ils pas à une étoile qui s'ébat et s'étiole dans le ciel ? Je ne savais plus. Une semaine déjà et ma mémoire me faisait défaut. Impossible de me souvenir. Pourtant j'ai essayé. Je les ai regardées longtemps. Je les ai lues et relues. Sous tous les angles. Je les ai caressées longtemps avant de les garder jalousement contre ma poitrine et mon (...)

Tu pleurais et je pensais à la mort

Il m'arrive souvent de dévier du cours naturel de mes pensées, de débarquer n'importe où, n'importe comment, et de ne pas comprendre comment j'en suis arrivée là. Personne ne pourrait comprendre ce qui me passe par la tête au moments les plus inopportuns. Nous étions couchées toutes deux sur le côté, tu me tournais le dos, et pendant qu'avec mes mains je caressais doucement ton dos, immense et maigre, je fourrais me tête entre tes fesses. Ton corps se cabrait en rythme à chaque coup de ma langue sur tes lèvres, sur ton anus, ton clitoris. Tu suintait de ma salive et j'avais du (...)

Baby Blues

Tout autour de moi Les bébés fleurissent Il en pleut comme vache qui pisse Les parents sont fiers Leurs yeux sont cernés Les faire-parts sont envoyés Les photos abondent C'est toujours les même Tête fripée entre deux oreilles Un humain de plus Dans un monde de chien Une place de moins dans le bus Depuis qu'elles sont mères Je vois plus mes copines On ne lèche plus les vitrines Je me dis que c'est normal Ça devait arriver Depuis le temps qu'elles en parlaient Leurs mecs sont aux anges Ils bombent le torse Tu parles d'un tour de force ! Un humain de plus Dans un monde de chien Une (...)

Ce que j'aime c'est...

Ce que j'aime chez toi c'est quand tu oublie que je suis là, que tu ne te rappelle plus qui je suis et ce que je fait là. Quand je suis étrangère. Inconnue de ta mémoire. Que je peux te séduire à nouveau. Prendre le temps de me faire douce et suave pour que tu te plies devant moi. J'aime quand tu cries, que tu t'épuises, la tête bloquée sous mes cuisses, prisonnière sans aucune autre issue que de m'obéir. Je pourrais rester des jours comme ça, à genoux sur ton plancher pendant que tu reste cachée sous moi. Ce que j'aime chez toi c'est quand tu n'es pas là. Que je me sens (...)

Ce point, là, sur le papier, à la fin de la phrase, c'est moi.

On me demande toujours pourquoi je ne me dessine jamais. La vérité est que je ne supporte pas mon image. Je ne me sens pas particulièrement mal dans mon corps et me regarder dans un miroir ne provoque chez moi aucune réaction horrifiée. Mais je me sens étrangère dans mon corps. L'image que j'ai de moi, que je veux renvoyer aux autres, est bien différente de celle que j'ai réellement. C'est comme si j'étais aux commandes d'un navire : je vois tout, j'entends, je contrôle, mais quand l'eau me renvoie mon reflet, je ne me vois pas. Je dois être quelque part, là derrière un hublot (...)

Jouir sans entrave

Parfois, dans le train ou le métro, quand nous nous faisions face et que la rame était peu peuplée, je glissais lentement ma main le long de ta cuisse et sous ta robe je repoussais tes dessous. Tu me regardais avec un sourire contrarié mais jamais ne me repoussais. Au fur et à mesure que ma main se promenait, je voyais ton visage rougir de plus en plus. À la fin, tu jouissais en silence, en te mordant les lèvres, me fixant avec tes yeux gris d'un regard accusateur. Une fois, une vieille dame nous a vues, a compris, et s'est mise à rire d'un sanglot fort et imposant avant de sortir du (...)

Comme une adolescente

Quand je l'ai revue, elle m'a tout de suite donnée l'impression d'être différente. On ne s'était plus revues depuis la rupture, il y a presque dix ans maintenant. Autant dire que ça faisait un sacré bout de temps. En presque dix ans il s'en passe des choses. Moi j'avais déjà eu le temps de faire le tour du monde une ou deux fois et remplir ma tête de la poésie des visages rencontrés. Elle n'avait eu que le temps de se marier et divorcer, sans jamais quitter sa ville natale. Nos rêves d'antan étaient bien loin. En me voyant, elle me prit dans ses bras. Elle me dit que je n'avais (...)

Venez danser !

Quand j'écoute Stephan Eicher, et particulièrement sa chanson Venez danser, je me prends à penser à elle, à la dame qui occupait mon coeur. Celle qui n'a pas voulu me donner une dernière chance, qui n'as pas cru en moi. La fille un peu froide que j'avais invitée à venir danser une dernière fois dans mes bras et qui d'un bref refus m'a fait pleurer lors de mon propre anniversaire. On a tous des blessures amoureuses, alors à quoi bon décrire celle-ci, une de plus ? Ce ne sont que des larmes en supplément, une histoire stupide de perte de confiance, de mensonge et d'hypocrisie. Une (...)

Jamais le bon choix

Je ne fait jamais le bon choix. Enfin je dirais plutôt que je refuse de faire un choix, et mon non-choix s'avère toujours le mauvais. Prenons un exemple simple, mais ô combien complexe. Il y a quelques temps à la soirée pour l'anniversaire de Gwen, je rencontre une jolie fille, charmante, à la conversation intéressante, bref une mignonne petite brune que j'aurais bien aimé revoir. Entourée par mes ami-e-s, j'obtint le courage d'engager la conversation avec elle, ce qui est d'ordinaire assez rare de ma part vu ma timidité. Il faut avouer que c'était loin d'être mon pire début. (...)

Je suis une mandragore et ceci est mon journal

Je ne suis pas de celles que tu remarquerais dans la foule. Je ne suis pas une de ces filles que tu trouverais mignonne. Une qui aime faire du shopping, se vernir les ongles, s'épiler les jambes (au secours !) ou glousser sur les fesses des garçons. De toutes façons j'aime pas les garçons, enfin j'ai rien contre eux, mais quand ils sont nus dans un lit avec moi j'ai l'impression d'être un magnétoscope : ils arrivent pas à trouver le bouton PLAY, mais il entrent et sortent la cassette en pensant que ça va marcher quand même. Et puis les filles sont quand même beaucoup plus jolies ! (...)