Le journal d'une mandragore

Jouir sans entrave

Parfois, dans le train ou le métro, quand nous nous faisions face et que la rame était peu peuplée, je glissais lentement ma main le long de ta cuisse et sous ta robe je repoussais tes dessous. Tu me regardais avec un sourire contrarié mais jamais ne me repoussais. Au fur et à mesure que ma main se promenait, je voyais ton visage rougir de plus en plus. À la fin, tu jouissais en silence, en te mordant les lèvres, me fixant avec tes yeux gris d’un regard accusateur. Une fois, une vieille dame nous a vues, a compris, et s’est mise à rire d’un sanglot fort et imposant avant de sortir du train en pleurant.

C’est cela qui me manque de toi. Tu me rendais folle. Je ne me contrôlais plus. J’étais dingue de toi, littéralement, j’aurais pu faire n’importe quoi, n’importe quand. Et toi tu étais si timide, si réservée, j’aurais voulu te faire sortir de ta carapace, te montrer à quel point le monde est beau et que tirer les rideaux et s’enfermer derrière est un non-sens, mais tu n’osais pas.

La nuit, je te retrouvais prostrée, en boule, dans le canapé, en train de sangloter. Parfois dans ces moments tu me racontais des morceaux de ta vie, dont je me sentais étrangère, ne pouvant ne serait-ce que comprendre ce que cela pouvait signifier pour toi, ce que cela pouvait provoquer. Je n’ai pas non plus eu une enfance facile, j’ai perdu ma famille, j’ai affronté des tempêtes, mais j’en suis toujours ressortie plus forte. Alors je n’ai jamais compris pourquoi cela n’était pas pareil avec toi, pourquoi à chaque tempête tu perdais de la force, pourquoi chaque ouragan te laissait en charpie et que tu mettais si longtemps en convalescence. Je me disais simplement que nous n’avons pas tous la même réaction face aux événements.

Ce n’est que plus tard que j’ai compris que ma soi-disante force n’était qu’une carapace en céramique, qui se fendillait un peu plus à chaque lame de fond et pour qu’au final une seule petite vague la brise et me laisse nue face au monde extérieur, face à mon passé, ma douleur, mon chagrin, et mes regrets.

Mais avec toi, j’aurais pu résister, j’aurais pu durer plus longtemps, j’aurais pu continuer de jouir sans entrave, la bouche ouverte, les yeux écarquillés et le sexe humide de ta salive. Car plus rien n’avait d’importance. Plus rien.